Un ange et un homme, consolateurs du Christ

Commentaire de l'abbé Fernandez aux tableaux de Giotto et de Titien : l'ange de l'agonie et Simon de Cyrène.

2. Le séraphin de l'agonie

Fra Angelico, La prière de Jésus dans le Jardin des Oliviers (Florence, 1446).

Dans le jardin des oliviers, Jésus se recueille seul devant le Père éternel. Leur dialogue tourne sur la Nouvelle Pâque, qui sera un exode déchirant. Jésus a pressenti depuis longtemps qu'un passage amer lui était réservé : souffrances, rejet, ruine d'une partie de l'humanité malgré ses efforts de Sauveur. Il avait prédit sa mort sur la croix (Matthieu 20, 19). Le Père confirme que la souffrance humiliante, de corps et de cœur, ne sera pas épargnée au Fils éternel. « C'est pour moi qu'il s'est affligé, n'ayant pour lui nul sujet d'affliction » (saint Ambroise, Commentaire sur Luc, 22). Fra Angelico (Florence, 1446), dans une intuition aiguë, a voulu joindre à la prière du Sauveur celle de Marie et de la Madeleine. Jésus n'était pas tout à fait seul.

Le poids est lourd ; l'âme du Christ ploie sous le joug : la chair ressent la faiblesse et saigne devant une charge surhumaine. « Alors un ange du ciel lui apparut pour le fortifier » (Luc 22, 43). Envoyé par le Père, l'esprit céleste se tient auprès de Jésus dans la prière : il est qualifié comme l'ange de l'agonie, puisqu'il assista Jésus dans le combat décisif, étendant des ailes protectrices, comme dans La Prière du Jardin du Gréco (1608, Budapest). La miséricorde toute-puissante du Père, portée par un messager de qualité, soutient le Fils accablé.

Le Gréco, La Prière du Jardin (1608, Budapest)

« Certains disent que l'ange lui apparut pour le glorifier, en disant : Seigneur, le pouvoir t'appartient, car tu pourras délivrer le genre humain de la mort et de l'enfer » (Théophylacte de Bulgarie, Commentaire sur Luc, 22). L'ange a certainement rappelé les grands axes du salut : la gloire de Dieu et le bonheur des hommes ; la résurrection certaine et les fruits copieux du grain de blé enterré. Il a inspiré une pensée d'amour sans limites, pour que la sensibilité du Christ, vulnérable à la souffrance bien que libre de souillure, retrouve le ressort affectif de la réponse. « Qui perdra sa vie, la sauvera » (Luc 9, 24).Le messager a été qualifié de séraphin : les anges plus proches de Dieu, qui brûlent d'amour. Beethoven, dans son oratorio Le Christ dans le jardin des oliviers(1803), suivant un livret de F. X. Huber, fait chanter, en duo pathétique, le Christ et le séraphin : « Ils sont grands les tourments, l'angoisse et la terreur, / Mais plus grand est l'amour de mon cœur pour le monde ». Seule la logique paradoxale de l'amour divin permet de comprendre le sens de la Croix. Comme un cautère heureux, il consume tout attachement déplacé aux biens créés.

3. Merci, Simon !

« Les soldats l'obligèrent à porter la croix de Jésus » (Marc 15,21). Dans le chemin du Calvaire, les Romains, constatant l'extrême faiblesse du condamné, ont besoin d'aide. Ils réquisitionnent un inconnu robuste, Simon de Cyrène, qui deviendra universellement connu et vénéré. Prêt à fêter l'ancienne Pâque, il est devenu protagoniste de la Nouvelle.

Titien, Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix (Madrid, 1547).

S'il n'a eu le choix que d'obéir, le Cyrénéen applique à la lettre, en premier, un précepte majeur de Jésus : le suivre en portant la croix (Matthieu 16, 24). Par ce « ministère de salut, il est devenu digne de lui » (Origène, Commentaire sur Matthieu, 27). Cet homme a eu l'honneur de soulager, comme l'ange de Gethsémani, les dernières fatigues du Rédempteur.

C'est une référence sûre pour le chrétien, dans son effort quotidien : « Nous collaborons comme Simon de Cyrène, qui se vit obligé de prêter ses épaules pour aider Jésus, alors qu'il revenait de travailler son champ et pensait à un repos mérité » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 132). Sa réponse est d'autant plus estimable, que la surprise a été contrariante : il a surmonté la répugnance à se rapprocher d'un inconnu malheureux ; il a dû mépriser les moqueries de la foule ; généreux, il a assumé la lourdeur de la besogne ; sans s'attendre à une quelconque récompense, sa compassion a étreint une croix déjà ensanglantée.

En retour, la proximité du divin Condamné a offert à Simon un rayon de lumière. Il côtoie un Juste, qui lui rappelle le Serviteur humilié des Écritures. Derrière la mansuétude de l'innocent, il admire la majesté d'un roi écrasé. Entrevoyant la sainteté du Messie, son cœur endosse volontiers la même tâche de Jésus. « Nous découvrons la Croix du Christ avec, en plus, la consolation de constater que le Rédempteur se charge d'en supporter le poids » (ibidem). Le cœur de Jésus n'a pas été insensible à son serviteur d'une heure. Le Titien a su surprendre dans un tableau (Madrid, 1547) l'échange perçant des regards. Désormais Simon voit autrement le supplicié, tandis que Jésus gratifie l'étranger devenu familier. « Être volontairement le Cyrénéen du Christ, accompagner d'aussi près son Humanité souffrante, réduite à une loque, n'est pas un malheur pour une âme aimante, mais lui apporte la certitude de la proximité de Dieu qui, par ce choix, la bénit » (ibidem). Si Marie et Jean, en arrivant au Calvaire, ont croisé l'accompagnateur fidèle, de retour chez lui, ils ont dû lui adresser une parole, au moins un geste de reconnaissance. Simon, déjà préparé par le regard paisible du Seigneur, a été comblé par le sourire de la Mère.