Tous pour un

Pablo Cabellos, journaliste au quotidien Las Provincias, à Valencia, en Espagne, écrit “sur l’Afrique, ce continent aux carences inouïes dans les domaines essentiels de la santé, l’éducation et le logement”

Artícle de Pablo Cabellos, publié dans le quotidien espagnol Las Provincias.

Le grand dramaturge espagnol, Lope de Vega, décrit dans Fuenteovejuna la révolte d’un peuple qui tua le commandeur inique qui avait voulu abuser d’une jeune femme sur le dos du Roi. Celui-ci détacha un juge pour l’enquête: Qui a tué le commandeur? Et tous de répondre pratiquement la même chose: Fuenteovejuna, Seigneur. Le juge les interpelle encore : Qui est donc Fuenteovejuna ? Tous pour un, Seigneur !

L’unité des humains, toujours nécessaire, est pressante de nos jours. Voilà pourquoi ai-je évoqué la tragicomédie de Lope de Vega sans prétendre pour autant qu’il faille se faire justice soi-même, mais plutôt rendre justice via la solidarité. Certes, aujourd’hui, en Espagne, nous avons l’occasion d’être solidaire à tous les coins de rues. Cependant, il y a des régions du monde où notre problème est un pâle reflet des injustices qu’elles endurent.

Le président de Manos Unidas (Mains Unies) de Valencia me parlait dernièrement d’un voyage qu’il a fait au Cambodge pour former ses cadres. J’en ai eu le sang glacé.

Mais mon sujet aujourd’hui c’est l’Afrique. Un continent aux carences inouïes en matière de santé, d’éducation, de logement, de nutrition, c’est-à-dire dans les secteurs vitaux de première nécessité.

Il y a de très bons projets d’entraide à ce continent. Moi, j’en porte un dans mon cœur dont je vais tout de suite parler. Mais avant, je m’arrête à cette considération de Benoît XVII dans “Jésus de Nazareth”, à propos du Bon Samaritain. “Les peuples exploités et mis à sac en Afrique nous concernent tous”(…) « Au lieu de leur apporter le bon Dieu, ce Dieu si proche de nous en Jésus-Christ, au lieu de puiser dans leurs traditions ce qui est grand et précieux pour le perfectionner, nous leur avons apporté le cynisme d’un monde sans Dieu, où seuls comptent la puissance et l’appât du gain »

Il s’agit ainsi d’une double exploitation de ces peuples : mis à sac, on les a arnaqués en leur livrant un monde cynique, sans Dieu.

Les propos du pape François sont du même acabit à propos de la tragédie des émigrants qui arrivent à Lampedusa.

Et voici Harambee, « tous pour un » en swahili. C’est le vénérable Alvaro del Portillo, prochainement béatifié, qui promut cette initiative, et la mit en route en tant que prélat de l’Opus Dei, en hommage à la canonisation de saint Josémaria, dont il était le successeur. Petit à petit, dans le monde entier, on a obtenu des ressources permettant de développer en Afrique des projets de l’Opus Dei ou d’autres institutions.

Le 5 et le 6 novembre dernier, Céline Tendobi, docteur congolais à l’hôpital Monkole de Kinsasha est arrivée à Valencia. Elle a reçu le prix accordée par Harambee cette année à la Promotion et l’égalité de la Femme africaine.

Grâce à son expérience professionnelle, elle tient à faire de l’Afrique un continent meilleur. Aussi, se propose-t-elle ces jours-ci de sensibiliser plusieurs établissements secondaires aux problèmes africains en leur faisant voir combien de braves gens y travaillent pour que des conditions de vie meilleures permettent aux Africains de ne plus émigrer ailleurs, en risquant très souvent leur vie.

Le 23 novembre, au Palais de la Musique, on assistera au concert traditionnel au profit d’Harambee-Valencia, animé par Carlos Lopez Galarza, bariton et Husan Park, pianiste. De nombreux Valenciens sont déjà « tous pour un » pour l’Afrique. Il faut dire aussi que nombreux sont les Africains qui travaillent pour améliorer leur continent alors qu’ils pourraient très aisément se payer une vie confortable en Europe, où ils ont fait leurs études, où ils ont aussi exercé honorablement leur métier.

C’est le cas de Céline, récompensée cette année. Lorsqu’elle était étudiante, elle vouait son temps libre à apprendre à lire et à écrire aux femmes « d’une zone très pauvre, où n’ayant aucune connaissance, elles ne sont pas en mesure de prospérer. Nous leur avons appris les premiers secours, à déceler les maladies infantiles, à avoir une hygiène de vie chez elles ».

Certes, les grandes âmes qui sortent du creuset du don aux autres, ne sont pas centrées sur elles-mêmes, comme nous le demande le pape, pour être centrées en Dieu, sur les personnes qui les entourent, voire sur celles qui sont loin, en leur apportant l’aide de leur travail, de leur temps, de leur projet, de leurs finances.

Le plus important cependant est l’amour qu’on y met et qui traduit l’envie d’aller vers les marges, la marge de la souffrance non guérie, de la misère non rachetée, des lacunes non comblées, des douleurs non mitigées. Et au-delà de tout ça, faire connaître ce Dieu inconnu de beaucoup, très proche de nous en Christ et sans doute échangé contre le cynisme destructeur des valeurs morales qui fait que la corruption et le manque de scrupules dans l’exercice du pouvoir sont devenus tout à fait naturels.

Faisons en sorte que ce “tous pour un” s’installe naturellement, sans faire de dégâts, en répandant la santé et la vie.