Les Béatitudes (1) : Rêver de grandes choses

Les Béatitudes : thème central des Journées Mondiales de la Jeunesse(JMJ) de Cracovie 2016. « Lisez-les et méditez-les, cela vous fera beaucoup de bien », a dit le Pape. Pour approfondir ce conseil, nous commençons une série de neuf éditoriaux adressés aux jeunes.

Veux-tu être saint ? Bien des personnes peuvent hésiter avant de répondre à cette question. Elles imaginent une existence grise et pleine de sacrifices, une vie sans rêve dans laquelle Dieu nous impose par force Sa volonté

Veux-tu être heureux ? Dans ce cas, en revanche, la réponse est claire : oui, nous voulons tous être heureux, nous voulons tous parvenir à une vie pleine, regarder en arrière à la fin de notre existence et pouvoir dire : cela a valu la peine que j’existe, je n’ai pas été inactif, j’ai été utile, j’ai laissé une trace…

Ce qui nous rend heureux fait aussi de nous des saints (...) nos rêves sont ceux du Seigneur.

Saint Josémaria dit avec raison que « le bonheur du Ciel est pour ceux qui savent vivre heureux sur la terre »[1], parce que nos rêves sont ceux du Seigneur. Il ne désire rien d’autre que nous aider à réaliser nos aspirations les plus hautes, à combler et même à dépasser les désirs d’infini que chacun de nous porte en lui-même.

On raconte qu’un sage dit un jour à ses disciples : « Quand vous arriverez aux portes du Ciel, on vous posera une seule question, oui, une seule ! » Ceux qui l’entouraient essayaient de deviner la question : « As-tu respecté les commandements ? », lui demandait l’un d’eux ; « As-tu aidé les pauvres ? » disait l’autre ; « As-tu beaucoup prié ? Allais-tu à l’église, as-tu aimé ton prochain ?... ». Le sage leur dit en souriant : « La seule question sera, tout simplement, celle-ci : " As-tu été heureux ?" Celui qui répondra affirmativement aura une place devant Dieu ».

As-tu été heureux ? C’est une question que je peux me poser dès à présent : selon la manière dont j’ai organisé ma vie, est-ce que je serai heureux ? Nous comprenons aussitôt qu’il n’est pas simple de répondre par un oui catégorique. L’avenir n’est pas totalement entre nos mains, et nous aurons à faire de nombreux choix tout au long des années : Est-ce que je choisirai bien mon orientation professionnelle ? Est-ce que je répondrai à la vocation que Dieu veut pour moi ? Est-ce-que je rencontrerai une personne qui m’aime et que je puisse aimer ? Est-ce que je choisirai bien mes amitiés ? Et si survient la maladie ?

L’avenir de chaque personne est ouvert : nous ne sommes pas capables de voir au-delà de notre présent. Cependant, Dieu –tout en respectant notre liberté- sait bien quels seront nos pas. C’est pourquoi, à certains moments de notre vie, nous pourrons prier ainsi : Seigneur, je ne sais pas encore ce que tu veux de moi, ni quels défis je vais devoir affronter. Parfois j’hésite sur le chemin que je dois emprunter, mais je sais que Tu as un projet pour moi : tu connais aussi bien les difficultés que je rencontrerai que les capacités que tu m’as données pour les surmonter. C’est pourquoi aide-moi à vivre près de Toi et ainsi, quoi que je fasse, quoi qu’il arrive, j’avancerai sur le bon chemin.

Faire confiance, rêver

En effet, faire confiance à Dieu nous permettra de rêver avec ambition et nous libèrera de ce qui nous freine le plus : la peur d’échouer. Mais pour être vraiment libres, il est nécessaire de faire les deux choses : faire confiance et rêver. Le Pape le confirme ainsi : « Dans le Christ, chers jeunes, vous trouverez le plein accomplissement de vos rêves. Lui seul peut répondre à vos attentes, souvent frustrées par de fausses promesses du monde »[2].

Comme le suggère François, il suffit de regarder en arrière pour faire la différence entre les moments de vraie plénitude et ceux qui, même s’ils ont été agréables, n’ont laissé dans notre vie ni heurts ni éclat. Une fête que nous attendions impatiemment, des moments de distraction avec les jeux vidéo ou devant la télévision, un voyage avec des amis ou une après-midi de shopping avec des ami(e)s sont des activités qui, sans aucun doute, peuvent laisser un bon souvenir, mais non une trace ineffaçable. Elles ne resteront pas dans notre cœur pour toujours, parce que, même si elles ont été positives, elles n’ont pas été envisagées pour l’éternité.

Dans le Christ, chers jeunes, vous trouverez le plein accomplissement de vos rêves. Lui seul peut répondre à vos attentes, souvent frustrées par de fausses promesses du monde

Dans une société désenchantée, qui a oublié de rêver, apparait le danger de nous contenter de ces succédanés de bonheur, c'est-à-dire de réponses bon marché à nos désirs les plus profonds, qui nous donnent une récompense immédiate, obtenue sans effort et en général à un certain prix (en temps ou en argent). Nous passionner pour la dernière mode vestimentaire ou technologique, nous trainer jusqu’au week-end, chercher la compagnie d’amis à tout prix ou nous accorder des compensations en ces moments libres que nous réservons à nous seuls sont des attitudes qui peuvent nous conduire à mener une vie médiocre, comme ci comme ça, pendant des années.

Mais ce n’est pas à cela que nous sommes appelés : « Chers jeunes –a dit le Pape François- n’enterrez pas vos talents, les dons que Dieu vous a offerts ! N’ayez pas peur de rêver à de grandes choses ! ». Quand nous tombons amoureux, quand nous participons à des activités solidaires ou que nous rendons un grand service à un ami, nous percevons que ce sont des moments qui révèlent un peu de la grandeur dont nous sommes capables.

Nous pressentons que le vrai bonheur est au bout d’un long chemin, sans raccourcis. C’est pourquoi il faut mettre dans notre vie des idéaux, nous enthousiasmer pour des objectifs qui nous obligent à grandir pour donner davantage, à grandir avec obstination pour tirer le meilleur de nous-mêmes.

« ce qui est nécessaire pour atteindre le bonheur, ce n’est pas une vie facile, mais un cœur plein d’amour »

Il peut arriver que nous voulions vraiment faire de grandes choses et nous battre pour elles, mais que nous n’ayons pas encore trouvé un motif ou une personne à la hauteur de nos désirs. Il faut chercher. À l’inverse de ces marques commerciales, de ces philosophies à bon marché ou de ces personnages publics qui nous indiquent sans hésiter ce que nous devons faire pour vivre une vie enviable, la foi ne nous donne pas de réponses toutes faites ni de formules définitives ni de bonheur en paquets-cadeaux, mais nous conduit toujours à de nouvelles interrogations : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? », « Qui suis-Je pour vous ? », « Qui est mon prochain ? », « À quoi sert à un homme de gagner le monde entier, si ensuite il se perd lui-même ? » [3]. Face à ce genre de questions qui surgissent à la lecture de l’Évangile, la foi nous propose le défi le plus grand et le plus radical : « Prendre le gouvernail de notre vie et en faire un chef d'oeuvre »[4].

C’est pourquoi, si nous n’avons pas d’idéaux qui donnent un sens à la vie, qui mieux que Dieu peut nous orienter ? La foi nous fera prendre conscience de ces aspirations auxquelles le cœur a besoin de trouver une réponse. Devant le Tabernacle et avec la grâce, il sera facile d’entrer en contact avec Dieu : c’est seulement en nous mettant devant Lui que nous obtiendrons la lumière pour continuer à chercher et que nous comprendrons que « ce qui est nécessaire pour atteindre le bonheur, ce n’est pas une vie facile, mais un cœur plein d’amour ». [5]

Sur le Mont des Béatitudes

L’Évangile raconte qu’un matin Jésus monta sur une colline située près du lac de Galilée. Il avançait seul, mais à quelques mètres derrière lui venait une foule nombreuse. « De grandes foules venues de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem, de Judée et de l’autre rive du Jourdain »[6]. Comme nous, vingt siècles plus tard, ils cherchaient dans le Seigneur celui qui les guiderait, qui les aiderait à voler plus haut, à dépasser leurs misères et à combler leurs désirs.

nous avons besoin de la solitude parce que Dieu parle à voix basse. Les amoureux savent bien que c’est ainsi qu’ils prononcent les mots les plus importants

« Voyant la foule, il gravit la montagne, il s’assit et ses disciples vinrent auprès de lui »[7]. C’est sur des hauteurs que le Seigneur réalise certains actes importants : choisir ses Apôtres, être transfiguré, proclamer les Béatitudes, mourir sur la croix, monter au Ciel…Aller jusqu’au sommet devait lui demander un certain effort, mais c’est là que le Seigneur nous montre le mieux son intimité avec Dieu le Père. Cela peut nous coûter, à nous aussi, de prendre le temps de méditer, de réserver quelques minutes dans notre journée pour parler avec Dieu, de débrancher le téléphone et de chercher la solitude. Mais une fois obtenu le calme intérieur – cherché avec persévérance- nous nous élèverons au dessus de l’agitation quotidienne, et - comme si nous étions en haut d’une montagne-nous pourrons voir plus loin, plus en profondeur. En effet, nous avons besoin de la solitude parce que Dieu parle à voix basse. Les amoureux savent bien que c’est ainsi qu’ils prononcent les mots les plus importants pour qu’ils touchent le cœur.

« Il s’assit et ses disciples vinrent auprès de lui»[8]. Le Seigneur s’assit sur le sol et les gens firent de même. Quand un rabbin –un maitre de la loi juive- s’asseyait, cela voulait dire qu’il allait enseigner quelque chose de très important. Ses disciples les plus proches, ceux qu’il avait choisis peu de temps auparavant en les appelant par leur nom, s’approchèrent pour ne pas perdre un mot de son enseignement.

Les Béatitudes "sont le plan de Jésus pour nous. Lisez-les et méditez-les, cela vous fera beaucoup de bien" (Pape François)

Même si le Seigneur avait une voix forte, seuls ceux qui étaient autour de lui pouvaient capter chaque geste, chaque sourire, chaque intonation émaillant le discours de Jésus. Il en est de même pour nous, car nous pouvons écouter les Béatitudes de différentes manières : de loin, sans plus, comme durent les entendre ceux qui étaient assis parmi les groupes les plus éloignés, en perdant peut-être le fil du discours ; ou bien, en nous rapprochant du Maitre, en choisissant une place assez proche, en gardant notre regard fixé sur Lui, sans nous laisser distraire, en nous asseyant parmi les Apôtres, pour apprendre près d’eux quelque chose de nouveau.

« Et prenant la parole, il les enseignait en disant : Bienheureux… »[9]. Dans le silence qui devait régner sur cette montagne, la voix du Seigneur égrena, l’une après l’autre, les Béatitudes. « Elles sont le plan de Jésus pour nous, a dit le Pape, lisez-les et méditez-les, cela vous fera beaucoup de bien »[10]. Nous savons qu’elles contiennent le secret de ce bonheur que nos satisfactions quotidiennes ne parviennent pas à combler. Elles seront le guide de notre prière et nous essaierons de les appliquer à notre vie ordinaire pour obtenir des réponses capables de donner un sens à tout ce que nous faisons.

Et c’est seulement ainsi que, dans de nombreuses années, nous pourrons sourire quand nous nous retrouverons face à face avec la Seigneur et qu’Il nous demandera : « Et toi, as-tu été heureux(se) ? »

D’après J. Narbona / J. Bordonaba

Questions pour la prière personnelle

  • Me suis-je fixé de grands objectifs dans ma vie ? Quels obstacles m’empêchent de rêver ? Ai-je parfois demandé à Dieu ce qu’il attend de moi ?
  • Est-ce que j’accomplis ce qui me rend heureux(se) (projets avec les amis, fiançailles, sport…) de manière à grandir aussi en sainteté ? Ai- je conscience que ce qui me rapproche de Dieu (moments de prière, services rendus aux autres, maitrise de mes défauts…) m’aide à trouver le bonheur authentique ?
  • Quels sont mes talents ? Est-ce que je les utilise pour être meilleur(e), c'est-à-dire , est-ce que je les mets au service de Dieu et des autres ?
  • Est-ce que je cherche à passer chaque jour un moment pour parler avec Jésus ? Est-ce que je réserve des moments de solitude, sans musique, ni messages, ni distractions, pour écouter la voix de Dieu ?

[1] Saint Josemaría,Forge, n.1005.

[2] Pape François, Message pour les JMJ de Cracovie (Pologne) 2016

[3] Mc 10,17; Mt 16,15; Lc 10,29; Mc 8,36.

[4] Jean-Paul II, Rencontre avec les jeunes en Sardaigne. 22septembre 1985

[5] Saint Josemaría,Sillonn. 795.

[6] Mt 4, 25

[7] Mt 5,1

[8] Ibid

[9] Mt5,2

[10] Pape François, Discours lors de la rencontre avec les jeunes au Paraguay,
12 juillet 2015