Jean, fils de la miséricorde

La naissance de Jean, celui qui a bondi de joie dès sa première rencontre avec le Christ et qui a mérité ensuite "de verser de l’eau sur Celui qui enlèverait les péchés du monde", éclaire l'histoire humaine : elle ouvre la voie à la nouvelle alliance en Jésus Christ, "la Miséricorde en personne".

Le baptême du Christ par Saint Jean - Giuseppe Mazzuoli, co-cathédrale Saint Jean (La Valette, Malte) (1572-1577)

La naissance de Jean Baptiste est encadrée par des cantiques de miséricorde : le magnificat de Notre Dame et, trois mois plus tard, le benedictus. En chantant l’alliance divine avec Abraham et David, le prêtre Zacharie fait une « lecture prophétique de l’histoire, qui tourne le regard des croyants vers la nouvelle alliance en Jésus Christ » (saint Jean-Paul II, Audience 1/10/2003), qui est « la Miséricorde en personne » (sainte Faustine, Journal).

Zacharie, « rempli d’Esprit Saint » (Luc 1, 67), s’émeut devant la miséricorde ancienne, qui prépare la miséricorde plénière. Dieu a visité sa maison « afin de réaliser sa miséricorde envers nos pères » (Luc 1, 72). Il « comble leurs espérances et leurs désirs » (Théophilacte de Bulgarie, Commentaire à Luc, 1). Les patriarches, prophètes et justes, sans voir le Messie, s’en étaient réjouis d’avance.

« Ta miséricorde vivifie » (Psaume 118, 88) : Dieu fait naître, grandir et réussir. L’existence de chacun est le fruit d’un amour éternel qui, par l’amour conjugal, « appelle à l’existence ce qui n’est pas » (Romains 4, 17). Isaac, Samson ou Samuel, nés de femmes stériles, semblaient exclus de vivre. Jean est aussi fils de la miséricorde divine, la seule qui sait entourer de tendresse notre nom (Isaïe 49, 1).

Devant l’enfant à naître, la salutation de Marie a ouvert la voie à la miséricorde qui, en purifiant, fait « tressaillir de joie » (Luc 1, 41). Jean restera toujours sensible à cette présence : docile récepteur de la miséricorde et son fidèle messager, « dès le sein maternel, Jean est le précurseur de Jésus » (Benoît XVI, Angélus 24/06/12).

Sa naissance, qui réjouit la famille entière (Luc 1, 58), déploie la miséricorde. Le huitième jour, Jean rejoint le peuple de l’alliance. Devant les hésitations des proches, le père, encore muet, écrit sur sa tablette : « Jean est son nom » (Luc 1, 63). Giusto de Menabuoi, peintre au service de la famille Carrara, le montre dans une fresque (cathédrale de Padoue, 1376), placée dans le baptistère qui retrace la vie du saint. Le prénom, précisé par l’ange de la part de Dieu (Luc 1, 13), signifie : « Le Seigneur fait grâce». Jean, sanctifié de bonne heure, devient le porte-étendard de la miséricorde du Rédempteur.

« Mon Dieu, tu m’as instruit dès ma jeunesse » (Psaume 70, 17). Jean reçoit et cultive la grâce par la méditation de la Parole et par un ascétisme à la hauteur de sa mission. Sa prédication secoue un Israël assoupi. Il réconcilie les pères et les fils, abat les murs de la dureté de cœur. Jean a été le premier à identifier le Fils bien-aimé comme l’Oint de l’Esprit Saint. « Il a mérité verser de l’eau sur Celui qui enlèverait les péchés du monde » (Liturgie des heures, Hymne du 24 juin, Office des Lectures) ; le lendemain, il pointera son doigt sur l’Agneau miséricordieux, afin qu’il soit suivi du plus grand nombre.

Jean, déjà adorateur « en sainteté et justice » (Luc 1, 75), rappelle « le primat de Dieu dans notre vie » (Benoît XVI, Audience 29/08/2012). Le fils de la miséricorde laisse la place au Sauveur. Simple porteur de lumière, il ne se sent pas indispensable. Ami de l’Époux, il prépare les noces de la nouvelle alliance. La voix prophétique éminente s’efface devant le Verbe. « Enfin il rendit au Christ le plus beau témoignage, celui du martyre » (Missel romain, Préface du 24 juin) : le sang du Précurseur annonce la Croix de la miséricorde suprême.

Le chrétien l’imite en laissant transparaître l’œuvre du Sauveur. « La connaissance du salut » (Luc 1, 77) n’est éclairée que par le Soleil de justice ; le pardon provient « des entrailles de miséricorde de notre Dieu » (Luc 1, 78). Un Dieu qui, blessé d’amour, guérit nos blessures. « Cette miséricorde, ce n’est pas nous qui l’avons trouvée comme fruit de nos propres recherches, mais c’est Dieu lui-même qui a daigné nous apparaître du haut du ciel » (saint Jean Chrysostome, Homélies sur Matthieu, 44). Chacun, comme Jean, est fils et héraut de la miséricorde.

Abbé Antoine Fernandez