Entretien avec Florence Oloo, Vice-recteur de Strathmore University. Nairobi, Kenya

Strathmore University est la première école inter-raciale d'Afrique, créée à l'initiative du fondateur de l'Opus Dei. Florence Oloo, vice-recteur de cette université, nous parle des défis qui se présentent de nos jours à l'Afrique.

Les élèves sont les plus enthousiastes de leur université.

Strathmore est l’une des plus prestigieuses universités du Kenya, en cette Afrique dont 60% de la population a moins de 21 ans. Ceci dit, quel est le rôle de l’éducation dans le processus de développement de ce continent ?

Les jeunes africains ont soif de recevoir une instruction à leur mesure. Les parents feront n’importe quoi pour envoyer leurs enfants à l’Université. Il leur arrive souvent de vendre leurs vaches, leurs terres pour leur payer des études parce qu’ils savent qu’une bonne formation est le levier d’un bon travail. Et un bon poste est garant de la bonne situation qui permet de s’en sortir. De ce fait, l’éducation est fondamentale et, à mon avis, elle est  le seul moyen de développement de l’Afrique. Si les aides que nous percevons étaient plutôt affectées à renforcer le secteur de l’enseignement, le continent se porterait bien mieux.

Strathmore est un lieu d’excellence qui participe en même temps aux programmes de développement touchant les personnes les plus démunies du pays. Quelle est la raison de cet engagement ?

L’un des principes que saint Josémaria communiqua aux fondateurs de Strathmore est que toute institution d’enseignement doit, en priorité, être en mesure de servir le pays, la société où elle est ancrée, en s’occupant des personnes qui en ont le plus besoin. C’est la raison pour laquelle Strathmore veille sur cet environnement pour répondre aux nécessités les plus pressantes sous les formes les plus appropriées. Aujourd’hui, au Kenya, il y a de nombreux foyers d’exclusion qui font que nous nous penchions sur les projets de formation des jeunes en difficulté pour encourager leurs petites entreprises et leur donnant une formation ad hoc qui leur permette d’envisager une croissance et d’améliorer leur niveau professionnel.

Le batiment principal de Strathmore university

À votre avis, quels sont les “gros problèmes” de l’Afrique?

La corruption des secteurs public et privé, bien évidemment. Comment arriver à surmonter cela ? Non pas avec les manifestations de rue ou les révoltes, mais avec l’éducation. Éduquer nos élèves au bien commun. Si nos jeunes grandissent avec l’idée que, grâce à leur activité professionnelle, ils pourront avoir les moyens d’aider les autres, de se mettre à leur service, il n’y aura plus de place pour la corruption. Certes, ce n’est pas du court terme car la formation est toujours à envisager à long terme.

Quels sont, à votre avis, les points forts sur lesquels les Africains doivent miser pour croître et faire face aux grands défis ?   

Nos points forts sont essentiellement nos valeurs. La valeur de la vie au profit de la personne car, en Afrique, la valeur de quelqu’un ne tient pas à ce qu’il possède, mais à ce qu’il est, en tant que personne. Très souvent menacées par des influences extérieures, nos valeurs sont la grande force que nous devons défendre. Je ne suis pas romantique pour autant, et ne veux pas dire non plus que nous sommes tous vertueux, mais, c’est un fait, en Afrique, la défense de la vie est essentielle.   

2015 est la date limite pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement et les perspectives ne sont pas très encourageantes... Comment la communauté internationale pourrait-elle atteindre ces objectifs ?

En allant dans notre sens. En nous aidant à mettre en œuvre nos projets pour résoudre nos différents problèmes. Il nous revient de tout prendre en main, c’est nous qui connaissons nos problèmes et nos solutions. Nous n’avons pas besoin de solutions mais de soutien. Quant aux Objectifs du Millénaire, nous avons atteint de bons résultats dans l’enseignement primaire gratuit pour tous. En 2015, il y aura une première génération prête à intégrer l’université. C’est pour nous un très important challenge.

Concernant Strathmore, quels sont, à votre avis, les résultats les plus importants atteints après tant d’années de travail?

Au fil de ces années, nous avons été en mesure de former des professionnels avec des objectifs élevés. Ils ont touché du doigt la valeur de la citoyenneté et du bien commun. Strathmore fut la première université interraciale à une époque où l’unité entre les différents groupes ethniques était une grande innovation. L’an dernier nous avons connu une guerre civile : notre université fut la seule ouverte pour permettre à nos étudiants de travailler et, surtout, pour disposer d’un lieu où débattre, confronter et réfléchir aux aspects positifs de l’unité au-delà des tensions. Ce fut une expérience très positive pour tous.