Dieu est toujours présent

Pierre nous explique que tout dans la vie des hommes intéresse Dieu, il est là, toujours présent.

William Hunt - Lumière du monde

Ecce sto ad ostium et pulso, je me tiens à la porte et je frappe (Ap 3, 20). Comment dire de façon plus simple et avec moins de mots le renversement prodigieux que suppose la vie chrétienne ? Le Christ est venu dans le monde, le Verbe a pris chair, Dieu est entré dans l’humanité, parce qu’il est « passionné » par l’homme. C’est pourquoi Jésus se tient à la porte de chaque homme de bonne volonté et il y frappe . Le peintre anglais William Hunt a connu un immense succès avec un tableau représentant cette scène. Si son symbolisme fin de siècle est quelque peu daté, la portée spirituelle du sujet transcende les limites du style. Jésus est représenté comme un pèlerin, presque un mendiant qui, après avoir sûrement beaucoup marché dans l’obscurité, éclairé par la lanterne qu’il porte, se trouve au seuil d’une porte où il a déjà dû frapper. Une végétation abondante couvre les murs, mais la porte est fermée et il n’y a pas de poignée. Ce n’est que de l’intérieur qu’elle peut s’ouvrir.

C’est là l’image de l’âme : « le Christ passe », expression que saint Josémaria aimait tant qu’il l’a donnée pour titre à son premier recueil d’homélies. Le Christ passe et frappe à la porte des cœurs, il veut entrer et dîner : « si quelqu’un entend ma voix et qu’il ouvre sa porte, j’entrerai et je dînerai avec lui et lui avec moi » (Ap 3, 20). Jésus veut nous faire entrer dans sa relation filiale avec son Père par la grâce. Il veut faire de nous des fils du Père et nous faire grandir dans cette filiation. Sort inouï ! « (…) en pensant que je suis fils de Dieu ! je me suis surpris, dans la rue, “ fier comme Artaban ” au dehors et plein d’orgueil au dedans… Fils de Dieu ! ” » ( Chemin , n°274 ) rapporte saint Josémaria d’un étudiant à qui il conseille de cultiver « l’orgueil » !

On ne contemplera jamais assez cette descente de Dieu vers l’homme, le désir qu’a Dieu de l’homme, comme contrepoids à tout ce que la vie spirituelle implique d’effort, de lutte, d’ascèse pour que l’âme s’élève vers son Dieu.

Dans le « et je dînerai avec lui et lui avec moi », on peut lire bien sûr une référence à la Cène et donc à l’Eucharistie, où se réalise au plus haut point la communion avec Dieu, mais aussi, plus simplement, le désir du Christ d’entrer dans le quotidien de l’homme, dans ce que sa vie a de prosaïque et qu’il a voulu connaître.

« J'ai connu le poli, le sablonneux, l'inégal, l'âpre,

la saveur du miel et de la pomme,

l'eau dans la gorge assoiffée,

le poids du métal dans la paume,

la voix humaine, le bruissement des pas dans l'herbe,

l'odeur de la pluie en Galilée,

le cri perçant des oiseaux

»

écrit de façon inspirée José-Luis Borgès [1] . Tout dans la vie des hommes intéresse le Christ, qui a vécu une vie d’homme pour que les hommes trouvent Dieu dans leur vie, non pas un Dieu distant, perdu dans sa transcendance, mais un Dieu transcendant qui « s’abîme » dans sa créature.

Les chrétiens sont appelés à vivre leur filiation en suivant « le Christ qui passe » : « Le Maître passe et repasse à maintes reprises, très près de nous. Il nous regarde... Et si tu le regardes, si tu l'écoutes, si tu ne le repousses pas, Il t'apprendra à donner un sens surnaturel à chacune de tes actions... Et alors, toi aussi, où que tu te trouves, tu sèmeras la consolation, la paix et la joie. » ( Chemin de croix , 8e station, point n°4 ) Toutes nos actions intéressent le Christ, même le temps que nous passons à table, où il se tient au milieu de nous si nous en faisons un moment de partage, d’attention aux autres et d’action de grâces pour tous les bienfaits reçus, y compris ceux qui nourrissent le corps. Et dans ces conditions, comment le Christ ne serait-il pas encore plus présent à notre travail, à nos engagements, à nos relations familiales et amicales si, dans tout ce que nous faisons, nous cherchons son regard ?

La condition de l’homme est une merveille quoi qu’en pense nombre d’écrivains contemporains qui en donnent une vision souvent désespérante. Mais c’est là le signe de la lumière qui leur manque. Il faut laisser entrer le Christ dans nos vies, lui qui frappe doucement mais sans se lasser à la porte de nos cœurs, « pour que nous vivions dans la liberté et la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8, 20).

[1] Poète argentin (1899-1986)

Pierre Sauleau